"Protège-nous du mal",
A.S.T.I. (Ainsi soit-il!)
Une réflexion politique inachevée sur un Canada de droite
J’ai vu l’émission Enquête de Radio-Canada, le jeudi 10 février 2011, sur l’influence des évangélistes sur Steven Harper, le premier ministre du Canada, et sur plusieurs de ses ministres. Ce reportage confirme ce que nous savions déjà : la droite canadienne s’impose sur le pays graduellement, mais certainement.
Au fait, l’influence extraordinaire des intégristes sur le pouvoir officiel ne pouvait avoir lieu si Steven Harper ne partageait pas l’idéologie morale de l’extrême droite. L’écoute attentive qui se traduit par des projets de loi et des attitudes officielles en dit long sur l’impact de ces groupes de pression sur notre gouvernement.
L’idéologie de droite est en train de transformer graduellement le Canada de l’intérieur et de l’extérieur.
Sur le plan international : le soutien indéfectible envers Israël, sa tolérance face aux crimes de Tsahal et des responsables politiques israéliens à l’égard des Palestiniens; l’attitude moraliste à l’égard de la Chine; l’engagement militaire en Afghanistan (sans les sondages et les pressions de l’opposition (sic), le gouvernement Harper s’enliserait davantage dans cette guerre); sa politique anti-avortement en Afrique; l’attitude boudeuse et hautaine envers la Chine qu’il a boudée longtemps; la perte sans vergogne du siège au conseil de sécurité, sa politique environnementale; son faible souci de protéger les citoyens canadiens qui se trouvent hors du pays (Omar Khadr dans la prison militaire à Guantanamo, Nathalie Morins, séquestrée par son mari saoudien en Arabie Saoudite, etc.).
Sur le plan intérieur, il est vrai que le gouvernement canadien actuel a bien fait économiquement. Toutefois, il ne faut pas perdre de vue que c’est grâce à l’infrastructure économique historique du Canada, qui n’a rien à voir avec les politiques du gouvernement conservateur actuel, mais aux politiques économiques des gouvernements précédents, que le gouvernement Harper a bien tiré son épingle du jeu. Tout de même, il faut se rappeler son attitude « attentiste », « immobiliste », devant la crise économique qui a secoué le monde.
Dans les faits, le gouvernement Harper n’a mis en place des mesures économiques pour soutenir l’économie du pays et les travailleurs que sous la pression, encore une fois, des sondages et de l’opposition.
Il faut se rappeler aussi que son gouvernement ou ses députés, avec son aval, ont présenté des projets de loi qui touchent l’avortement, le registre des armes à feu, l’âge de la responsabilité criminel, le mariage gai, etc.
Ses positions sur la protection de l’environnement qui ne servent que les intérêts des groupes économiques de l’Ouest, la base de son soutien politique, on fait la honte du pays.
Sur le plan moral, c’est là où le bât blesse le plus. Les indicateurs idéologiques de droite sont très évidents dans les discours et les attitudes politiques de Stephen Harper. Il est un néoconservateur d’une morale conservatrice de la droite religieuse qui défend les préceptes prescrits par la Bible.
Or, si son parti devenait majoritaire aux prochaines élections, le Canada sombrerait dans une ère d’obscurantisme puisqu’il serait à l’écoute de manière active des « lobbys » de la droite religieuse et des « lobbys » économiques de l’Ouest Canadien où réside désormais la richesse économique du Pays.
Nous verrions alors la remise en question du droit à l’avortement, du mariage des homosexuels; le retour quasi certain de la peine capitale; dénigrement des mesures de prévention au criminel au profit de davantage de mesures coercitives. Probablement qu’il voudrait revoir ses engagements en Afghanistan en fonction d’une plus grande intervention militaire. Etc. Car il est d’une idéologie néoconservatrice, à la G. W. Bush, qui irait, s’il le faut, jusqu’à favoriser la force pour défendre ses principes et ses intérêts économiques.
À ce jour, ce qui a empêché notre gouvernement conservateur de nous faire sombrer totalement vers la droite économique et morale est sa situation minoritaire. Par contre, s’il se complaisait jusqu’à présent à naviguer dans les eaux du centre droit et du centre gauche avec des détours parfois subtils, parfois prononcés vers la droite, Stephen Harper se montre de plus en plus impatient d’être majoritaire à la Chambre des communes. Il rêve, comme l’autre, d’« avoir les deux mains sur le volant ».
Si grâce à l’Ouest canadien et à la faiblesse des partis d’opposition, le Parti conservateur du Canada devenait majoritaire aux prochaines élections, le Canada serait sur la route de l’intégrisme chrétien.
Il ne me paraît pas réaliste de croire que le parti libéral sera majoritaire aux prochaines élections. S’il formait un gouvernement minoritaire, ce serait une très belle victoire pour ses partisans. Autrement, c’est une crise de « leadership » au parti libéral du Canada qui serait encore plus affaibli.
Même minoritaire, le parti conservateur de Stephen Harper continuerait les ravages moraux qu’il avait entrepris depuis le début de son avenu au pouvoir. De plus, il ne se gênera pas de mettre le Canada sur le cap sur une politique économique franchement de droite, néo-capitaliste.
Si le peuple canadien voulait un gouvernement majoritaire conservateur de droite, ce ne serait certes pas le choix du peuple du Québec. Pour ne pas sombrer dans une ère d’obscurantisme, le Québec n’a qu’un choix devant lui : voter massivement pour le pari libéral ou choisir l’indépendance. Le Bloc n’est pas un remède, mais un soulagement temporaire, comme des analgésiques, ils ne peuvent pas guérir une maladie, mais peuvent aller jusqu’à endormir le souffrant.
Si le parti libéral veut regagner la faveur du Québec, il devrait être davantage à l’écoute du peuple et promettre, entre autres, une plus grande décentralisation du pouvoir en fonction des intérêts.
Toutefois, si le Parti libéral ne réussissait pas ce coup de force politique au Québec, il est certain qu’il n’obtiendrait pas le vote nécessaire pour former le prochain gouvernement, même minoritaire. Ce n’est pas l’image du messager, M. Ignatieff, qui fait défaut, mais son message : il ne parle pas de ce que le Québec veut vraiment entendre.
Devant cette impasse idéologico-politique fort probable, que resterait-il à faire?
– L’indépendance complète du Québec.
Le Québec, depuis sa révolution sociale des années 1960, n’a cessé de s’émanciper. Dans le cas où le Québec serait indépendant, le nouveau pays aurait sur le plan moral une plus grande cohésion vers la gauche. Dans un Québec indépendant, malgré une phase d’incertitude et de tumulte sur le plan économique qui finira par se résorber à court et moyen terme (+-5 ans), la polarisation extrême que nous vivons actuellement au Canada n’existerait plus. De plus, le Code criminel, aspect important sur le plan moral, serait de compétence québécoise. Par exemple, nous serions en mesure de légaliser l’euthanasie et le suicide assisté, de décriminaliser la prostitution et l’usage de la marijuana, de miser davantage sur les préventions plus que sur la coercition en matière criminelle et même en santé, de renforcer les politiques de la langue française sans craindre les sanctions de la Cour suprême de Canada, Etc.
Les débats sur les problèmes moraux et économiques correspondraient à une société unique, cohérente, malgré les différences ethniques; ce serait à l’intérieur d’une même culture québécoise et non entre deux cultures et intérêts économiques à l’antipode l’une de l’autre, du grand Canada.
Il est vrai que le Québec est parmi les provinces les plus pauvres du Canada.
Cependant, un Québec indépendant émergera graduellement vers une prospérité économique. Je laisse le soin à nos économistes chevronnés de proposer des plans d’action réalistes qui nous obligeraient à nous réinventer sur le plan économique, en fonction de ce qui serait notre nouvelle situation géopolitique dans le monde. Nous avons de grands économistes réputés qui, parmi eux, ont géré nos gouvernements provinciaux, ne seraient-ils pas aussi grands à nous aider à gérer un pays?